En adoptant, définitivement la loi relative au dialogue social et à l’emploi, le Parlement vient de créer le « Compte personnel d’activité » ou le « CPA ». Pour l’instant, ce dernier est passé relativement inaperçu alors qu’il s’agit bel et bien d’une révolution potentielle du service public de l’emploi.
A partir du 1er janvier 2017, chaque personne disposera d’un compte personnel d’activité qui rassemblera « les droits sociaux personnels utiles à la sécurisation du parcours professionnels ». Sécuriser les parcours, c’est permettre à chaque individu de vivre sa vie professionnelle sans craindre les ruptures que peuvent causer une crise économique, un problème de santé, la naissance d’un enfant, ou tout autre raison personnelle. Entre deux emplois, entre deux congés de maternité, après un licenciement ou un accident de santé, chacun sera, s’il le souhaite, accompagné dans son évolution professionnelle. Pour les femmes, cette loi permettra d’éviter que la vie personnelle ne soit sacrifiée au profit de la vie familiale ou vice versa.
Comment définir la notion de « droit social personnel utile à la sécurisation des parcours »? C’ est d’abord un droit attaché à la personne à qui il donne le droit d’exiger du service public de l’emploi une prestation ou une indemnisation. Ce droit social crée aussi des obligations comme celle de suivre une formation tout au long de la vie.
Une interprétation restrictive de cette notion conduirait à limiter les droits à ceux nés de l’activité professionnelle et donnant lieu à des droits en matière de formation professionnelle. En ce cas, le compte personnel d’activité ressemblerait étrangement au compte personnel de formation, qui existe depuis la loi de 2014 et qui n’a pas encore fait la démonstration de son efficacité.
Une interprétation plus ambitieuse conduirait à y inclure plus de droits que ceux de la formation : les droits à la retraite, les droits qui s’attachent à la situation familiale (congé maternité, congé parental, congé pour enfant malade), les droits à la protection en cas d’accident ou de maladie grave, les droits au logement. L’accès à l’ensemble de ces droits serait facilité par le fait qu’ils figureraient dans un compte unique attaché à la personne et lui donnant les moyens de mieux maitriser son parcours de vie.
Ce projet de compte unique n’a rien d’utopique. Certes, il pose des questions d’organisation administrative épineuses, comme, par exemple, celle de l’unité de compte commune entre des droits aussi divers que les droits à la retraite, les droits à la formation, les droits familiaux et les droits en matière de santé, ou encore la question de la fongibilité entre ces droits ou même celle des modalités d’exercice de ces droits.
La mise en place de ce compte unique nécessiterait aussi une refonte complète du service public de l’emploi : chaque compte devrait donner lieu à un suivi personnalisé avec des actions d’accompagnement et d’orientation individuelle adaptées.
Sécuriser les parcours à travers la mise en place d’un compte personnel d’activité est devenu désormais incontournable dans une France qui doute de son projet collectif. Si chacun dispose d’un compte personnel qui recense l’ensemble de ses droits sociaux, il pourra enfin mesurer, concrètement ce que lui apporte l’appartenance à la Nation, sentir combien notre système de protection sociale est précieux et comprendre alors qu’il donne autant de devoirs que d’obligations.
Il s’agit là de la meilleure arme pour lutter contre le chômage en stimulant l’activité et en redonnant à chacun les moyens de son émancipation.
A l’heure de la défiance et du dénigrement généralisés à l’égard des institutions publiques, ce projet contient, en germe, une révolution de notre système de protection sociale au service de la redéfinition d’un projet collectif digne de soulever de grandes espérances. L’ensemble des parties prenantes doit donc s’en saisir avec énergie et ambition pour en tirer les conséquences d’ici à janvier 2016. L’occasion est trop belle : elle ne peut pas être manquée.